Comment était votre vie avant ? Chaotique. Laborieuse. Et vaine, surtout. Une succession d'actes manqués. Un goût de sang dans la bouche. Un déclin perpétuel et réaliser, à chaque fois, qu'il existe un plus-bas. Avec ses émotions en bordel et sa frustration planté dans le ventre, ce fût un peu comme de reprendre un verre lorsque Caleb a dû réaliser que tout était bien pire avant. Quel est votre état d'esprit aujourd'hui ? Où il était impropre auparavant, il s'est peu à peu révélé. Et si c'est une horreur à contempler, c'est aussi impossible à nier : l'homme brutal, rendu à un monde comparable, retrouve, d'un même élan, sa mère et sa nature. Il a comme une sorte d'aisance, depuis que tout a commencé ; comme si ça ne lui était pas étranger ; comme s'il avait su que cet instant finirait par arriver ; comme si, en vérité, toute sa vie n'avait été qu'un long processus, aberrant, destiné à le maintenir en vie pour ça, pour tout ça. Et c'est ainsi qu'il est devenu meilleur ; non pas qu'il se soit amélioré - pas vraiment, pas beaucoup, ce sont plutôt les autres, ce sont eux, dont l'âme a décliné. Combien de proches avez-vous perdu ? Comment le vivez-vous ? Ce que Caleb tenait pour famille a disparu avec sa mère, lorsqu'il avait seize ans, et il s'est trouvé incapable d'être lié à quelqu'un depuis. Il connaissait beaucoup de monde, en des personnes d'ailleurs très différentes, mais toutes ces relations étaient feintes, superficielles, sinon artificielles. Le cœur en rage qu'il avait gardé de son enfance resté impénétré, il est de ceux qui ont le moins perdu. Parce qu'il n'avait déjà plus rien, personne, à perdre. Étiez-vous à Kenaï avant d'arriver à Girdwood ? Sa destination était Girdwood ; elle l'est restée. Vous sentez-vous bien dans votre camp ? Niché là bien avant nombre de la récente exode, ce fût une arrivée abrupte, d'une grande fatalité, comme une menace pour lui, et lui comme menace pour les autres. Ce fût aussi, et cependant, un gain puissant d'humanité, et un rempart face à une grande résignation. Ne plus être reclus. N'appartenir à rien non plus. Réaliser qu'on peut espérer quelque chose de lui, et l'obtenir. C'est parfois trop pour un seul homme. C'est souvent doux. Et, surtout, temporaire. Pensez-vous survivre encore longtemps dans un tel chaos ? On meurt d'abandonner, d'avoir abandonné. Caleb ne peut abandonner. Une part de son être a toujours été attaché à disparaître. Mais les autres, toutes les autres, refusent de s'en aller. Pas tout de suite. Pas comme ça. Et pas avant d'avoir tout accompli, tout réparé. Combien de marcheurs avez-vous tué ? Une vingtaine, une centaine... un millier. Il a oublié Combien. Il se rappelle Comment. Combien de personnes avez-vous tué ? Deux. Pourquoi ? ...il le fallait.


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Ça descend. Ça n'arrête pas de descendre. Putain, pourquoi ça n'arrête pas ? Et lui est là, il reste là, la gueule en larmes et le bide en vrac. Il ne sent rien, depuis les genoux jusqu'à la gorge. Mais, au bord de ses lèvres, ça se précipite. Il imagine qu'il va crever, que son corps tout entier va se disloquer. Forcément, ça fait trop mal. Et puis ses os craquent, ou alors c'est son cœur qui frotte contre ses côtes. C'est abominable, cette douleur, qu'il ne veut pas vomir, qu'il ne peut pas crier. C'est juste lové dans ses entrailles, et ça prend ses quartiers ; ça fait peu de cas de ses émotions, de ses volontés. C'est juste insupportable. Inhumain. Et étrange. Ça fait moins mal par endroit. Là où c'est révoltant. Où c'est injuste. Où c'est barbare. Il a seize ans – la rébellion lui cisaille les chairs, et la peau, et le sang. Il croit que ça dégouline sur ses bras, dans sa gorge, sous ses cheveux. Mais non. C'est la sueur. Les pleurs. Et les plaintes que ses oreilles n'entendent qu'à peine. Et qu'est-ce qu'ils ont, eux tous, à chialer, là, autour ? Ils ne savent pas. Rien du tout. Que dalle. Qu'ils crèvent ou qu'ils dégagent. C'est sa douleur, la sienne. Elle n'appartient qu'à lui. Elle n'est qu'à lui. Alors il voudrait se saisir de quelque chose – n'importe quoi, pour frapper, éventrer, éclater, tous ces êtres qui chouinent, se lamentent. Enfoirés de voleurs de douleur. Il a seize ans – l'égoïsme l'étrangle. Ça l'asphyxie mais il respire tout de même. Il respire parce qu'il ne peut pas l'empêcher.
« Les gens meurent, Caleb, souffle la femme, debout, à son côté. Les gens meurent, et ce n'est pas ta faute. » Elle pose, sur son épaule adolescente, une main bercée de précautions. Il sent l'étreint et se raidit. Car lui, lui voudrait la frapper, cogner, si fort que la nausée l'agite. Il pense vaciller, tomber, et s'éteindre sur ce sol qui emporte sa mère. « Rien de ce que je pourrai dire ne... » « Non. » Elle se tait. Aussitôt. Et il lève les yeux vers elle. Il se trouve le courage de le faire. « Non, serine-t-il. Rien du tout. » Il la scrute, et la dévisage. Il la défie. De prononcer encore un mot. Même un seul. Rien de ce qu'elle pourrait dire ne saurait effacer ces années. La maladie. L'affreuse réalité. La peau diaphane, le visage émacié, le corps maigre. Tout trahit l'enfant qui a mal. C'est pour ça que cette femme est là. « On se verra au foyer, ce soir... » L'assistante sociale. Celle qui lui offrait des cadeaux, à chaque Noël et chaque anniversaire... parce qu'elle l'a vu grandir. « D'accord ? demande-t-elle lentement. » S'il acquiesce, il ne s'en rend pas compte. Mais elle part. Elle le quitte. Et ce départ-là ne fait rien. Ça ne provoque rien du tout, pas même un frémissement. C'est qu'il ne sent rien. Il ne peut pas. Ça pourrait exploser, à côté, et l'éviscérer pour moitié, la douleur n'atteindrait jamais ce corps-là. Il est mort, en-dedans. Il est mort, en dehors. Et non. Non, il n'ira pas au foyer des orphelins de Denver. Jamais. Plutôt être le fils de ce cadavre, là-bas, qui descend que le fils de personne.


« Comment elle est ?... » Le cliché, sale, pincé entre les doigts, Caleb ne lève pas le regard immédiatement vers Dale. Les mains pendues au-dessus d'un feu rudimentaire, fait de journaux à l'encre âcre et de cartons suintant l'humide, il se tait et repousse le moment. Mais c'est le moment. « Qui ça ? fait-il semblant. » Son visage se redresse et, des iris aux iris, il rumine déjà son échec ; à se cacher, à s'en cacher. « La fille, que l'autre lui répond. Celle qui t'a brisé le cœur. » Un rictus fane aussitôt sur les lèvres du meurtri, mais il ne répond rien. Il préfère conserver le déni, se borner au silence, et voir ce qu'il advient. Mais Dale s'enfonce un peu dans son fauteuil de papier et plastique – et prend cet air scolaire, de celui qui comprend et qui peut expliquer. « Quand on t'a rencontré, avec Abi, tu as dit que tu allais à Girdwood, qu'il raconte. Alors qu'il y avait des dizaines d'autres destinations possibles. Des tas, encore, en chemin. Mais non, c'était Girdwood. Ça l'a toujours été. Et si c'est quelque part, alors c'est quelqu'un. » « Peut-être que j'aime le ski... ou le snowboard, tente-t-il – sans avoir à y songer. » Ils échangent un sourire, puis un silence. Dale respecte sa pudeur. Et Caleb, sa curiosité. « Tu n'as parlé que de ta mère, donc c'est que tu n'as sûrement aucun autre parent, continue-t-il, sagace. Et cela au passé, donc ça ne peut être elle. » Il y a un soin dans la façon dont il en parle, comme s'il l'enterrait, à son tour, rien que d'imaginer. Et, cependant, Caleb le scrute avec grand intérêt. Se peut-il qu'il soit si perméable, si simple et si médiocre ? Il veut bien l'entendre de cette bouche. « Et tu es comme moi. » Un sourcil l'interroge, alors Dale rit doucement : « Tu aimes les femmes ! » « Non, lui glisse aussitôt une fois. Toi, tu aimes ta femme, mon cher. » Abigail se glisse contre son mari, et enlace leurs mains tremblantes. « Et pourquoi crois-tu qu'elle m'a brisé le cœur ? observe Caleb après un moment. » Ses yeux trouvent encore le cliché, qu'il rend enfin. « Parce que tu n'en parles pas. » Après cela, aucun ne parle. La photographie est rangée, oubliée. Inutile, du reste, puisque le dessiné est sous les yeux de tous, là, dans le ventre arrondi. Abigail en effleure l'idée, sagement, insouciante. « Vous aviez des enfants ? l'interroge Dale après un moment. » Un rire froid, immobile, s'évapore de la bouche. « Non, fait-il lentement. Je ne sais même pas si elle en voulait. » Le bientôt-père sent la pression que son épouse exerce sur son poignet. C'est assez de questions. C'est assez de blessures. Pour un soir. Pour une vie. Pour cet homme-là.
« Qu'est-ce que tu feras quand tu la retrouveras ? que Dale lui demanda plusieurs semaines ensuite. » Cette fois-là, Caleb soutint son regard, et répondit : « Je lui demanderai pardon. » Médiocrité. « D'avoir été le pire. » Alcoolisme. « D'avoir été cruel. » Violence. « Elle m'a pas brisé le cœur... c'est moi qui l'ai brisé(e). C'est moi. »


« S'il te plait... » « Je ne peux pas. » « Tu crois... tu crois que je peux, moi ? » Du sang sur la tempe, c'est d'abord les larmes qui le défigurent. Le chagrin. L'horreur, aussi. Caleb le contemple, une peur diffuse dans les entrailles. C'est sa femme. Sa femme enceinte. Et elle est là, le ventre inondé de chair, dégoulinante, les traits figés d'une expression affolée et souffrante. Elle est morte, à leurs pieds. Et ils sont incapables, défaits... inutiles l'un à l'autre. Dale hurle à en crever, se tient à la gorge puis aux poignets. Du sang couvre son torse, et c'est celui d'Abi. C'est le sien. Celui de sa femme. De la femme qu'il aime. Et, là-dedans, il y a aussi de son fils. « Il le faut, Caleb, supplie-t-il. Il faut que tu y arrives... » Ses pleurs redoublent, des sanglots insupportables et pénétrants. Un crissement dans le crâne et une vision brouillée, une lumière ocre s'éprend de leurs regards. « Je ne peux pas, Dale... je... » La terreur est entière, elle s'est creusée un trou, béant, dans les ventres. « Ne la laisse pas... je t'en prie. Ne la laisse pas se transformer. » Les yeux de l'époux sont rouge, et blessés par l'évidence. Ce sont des iris qu'on ne peut pas soutenir. Quand même il tremble en attrapant le métal. Quand même il se cisaille la paume, à trop le serrer. Quand même ce n'est qu'une arme émoussée, et rouillée. Quand même c'est inhumain de le voir faire – tendre le bras, le baisser, recommencer, au comble de son impuissance. « Pardon, mon Amour. Pardon, gémit-il. Je t'aime... » Le souffle lui manque, n'entre pas tout à fait et ne ressort qu'à peine. « Je t'aime, Abi. Je t'aime. » La main levée, Dale retient sa respiration. Il ne faut qu'une seconde. Rien qu'une seconde. Et ce sera fait. Ce sera fini. Mais c'est si difficile, si pénible, trop cruel. Fendre ce visage qu'il a aimé. Qu'il aime toujours. Aucun homme ne devrait avoir à le faire. Pas le moindre. Qu'importe l'époque. Qu'importe le monde. Et qu'importe le chaos. Alors Caleb, l'atroce avalé par la peine, attrape le poignet qui s'abat, arrête le geste obscène, abominable. Dale lui lance un regard dont il ne comprend jamais la teneur, tandis qu'il arrache le métal à la main griffée d'épouvante. Il prend encore le visage de l'époux dans un bras, et le repousse, le détourne au plus loin. Il ne verra pas. Ne verra rien. Ce ne sera qu'un bruit. Un bruit affreux – un de ces craquements sinistres et injurieux. Et ce sera fini. C'en sera fini, d'eux deux et de lui.



PSEUDO › djinn. PAYS › bzh. OU AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LE FORUM › sur le top bazzart. VOTRE AVIS DESSUS › j'exerce mon droit à garder le silence. VOULEZ-VOUS RÉSERVER VOTRE AVATAR› j'aurais pu me réveiller plus tôt, j'imagine - hm hm, on juge pas. LE MOT DE LA FIN › c'est l'histoire d'un mec, il...

TOM il est juste PARFAIT
Et bienvenue, monsieur sous blister

Bienvenue officiellement, hâte de voir ce que tu vas faire du scénario

Bienvenue M'sieur   
Amuse toi bien parmi nouuus

TOM + LE SCENARIO.       
bienvenue parmi nous.  

Waouuuuuuuuw, c'est que tu mets la barre TRES haute dés le début.
Super choix de scénario, Bobby est une perle. Vous allez faire la paire, je le sens !
Bienvenue et bon courage pour ta fiche.

Ce scénario.
J'avais beaucoup de mal à imaginer Tom dans la peau de ce personnage, mais ce que tu as déjà écrit tant à me convaincre du contraire. J'aime déjà énormément ce que j'ai pu lire, tu as une très jolie plume. Bienvenue et bon courage pour la suite.

Oy, les copains.  Merci à vous tous - j'étais déjà content de pouvoir tenter le scénario ! Sachez que, de toute façon, je lâcherai pas le forum même si j'avais pas le perso (mais je vais l'avoir, quitte à devoir coucher avec Bobby - faut se forcer parfois pour obtenir ce qu'on veut... mais là, non).  

Bienvenue officiellement, Caleb
Bon courage pour ta fiche!

On voit enfin le bout de cette fiche, génial ! Bienvenue une bonne fois pour toute alors, même si tu connais bien la maison maintenant. 8D

EDIT : OK FAIL SORRY XD Je viens de comprendre que tu es le deuxième prétendant ! *sors* Et bien deux fois bon courage pour obtenir le coeur de notre belle Bobby

Merci, vous deux (quand même, faut être poli).   

Cette fiche est une perfection
Je valide! Bon jeu mon cher!

Merci bien, mon capitaine !       

Rolala je suis amoureuse de ton style d'écriture (ouais j'ai stalké votre susu avec Boobs )
Bienvenue parmi nous et j'ai trop hâte de voir l'évolution de votre relation avec Bobby